La fin du questionnaire de santé : avancée historique de la loi Lemoine (sous conditions)
La problématique du questionnaire de santé
Vous n'aimez pas qu'on vous pose des questions indiscrètes intrusives pour une histoire d'assurance, mais nécessaires pour évaluer le niveau de risque (on va y revenir) ?
Ou vous craignez que votre état de santé engendre des surprimes ou donne lieu à des exclusions de garanties ?
Et surtout, vous trouvez cela injuste de pénaliser des personnes qui ont pu être touchées par la maladie et de leur faire subir la double peine ?
Bonne nouvelle : vous pourrez peut-être échapper au questionnaire de santé. C'était une disposition attendue de longue date par les associations de défense des consommateurs.
Êtes-vous concerné(e) par la fin du questionnaire médical introduit par la loi Lemoine ?
Deux conditions doivent être réunies :
1. Vous devez avoir moins de 60 ans à la fin du remboursement de votre crédit
2. Votre prêt doit être inférieur à 200 000 euros (ou 400 000 euros pour un couple)
200 000 euros, ça peut paraître « peu » dans un contexte où les prix de l'immobilier sont totalement délirants mais selon Patricia Lemoine, ça concerne quand même la moitié des emprunts contractés ! C'est donc énorme.
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Le plafond s'entend par quotité assurée (le % du capital couvert par l'assurance).
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Ainsi, si vous êtes en couple, si ni vous, ni votre conjoint(e) n'aurez atteint votre soixantième anniversaire au terme de votre crédit, vous pourrez emprunter 399 999 euros à deux et échapper au questionnaire médical.
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À condition de vous assurer chacun sur 50% du capital emprunté, ce qui suppose que vous ayez des revenus similaires. Voir nos explications ici.
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On rappelle que vous devez assurer la totalité du capital emprunté, mais que plusieurs répartitions sont possibles quand il y a deux emprunteurs.
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Par exemple, Madame peut être assurée sur 70% du capital (parce qu'elle a le plus haut revenu du couple) et Monsieur seulement 30%. Sauf que si Madame est assurée sur 70% de 400 000 euros, ça fait 280 000 euros. Comme elle explose le plafond de 199 999 euros, elle ne peut pas échapper au questionnaire de santé.
Si vous ne remplissez pas l'une de ces conditions (ou les deux), le questionnaire de santé restera incontournable. C'est lui qui permet aux banques et aux compagnies d'assurance d'estimer le niveau de risque que vous représentez.
Bien sûr, si vous n'avez pas à répondre au questionnaire de santé, aucun examen médical ne peut vous être demandé.
La loi Lemoine facilite l'accès à la propriété pour les malades et les anciens malades
Si vous avez (ou si vous avez eu) une maladie cardiaque, psychique, respiratoire (ou autre), vous ne vous verrez plus opposer de surprime ou un refus de couverture (sous réserve de remplir les conditions que nous venons de voir).
Idem si vous avez été lourdement accidenté(e).
C'est donc la fin de la discrimination d'une grande partie des malades ou anciens malades désirant accéder à la propriété.
Pour Patricia Lemoine « l'achat immobilier est une étape souvent cruciale pour la reconstruction personnelle des personnes en rémission ». Or, les surprimes de l'assurance emprunteur sont parfois telles qu'elles peuvent les éloigner de l'accession à la propriété.
Pour plus d'un quart des personnes touchées par la maladie, les surprimes se situent entre 50 et 100%.
Vous trouvez que c’est beaucoup ?
Alors que doivent dire les 21% qui paient des surprimes dépassant les 100% ?!
En euros, pour quelqu'un qui a contracté un crédit d'un peu plus de 190 000 euros, ça peut vouloir dire 25 000 euros en plus pour une sclérose en plaques… Et oui !
On estime que la loi Lemoine pourrait faire gagner 471 millions d'euros aux personnes concernées. Mais au-delà des économies, la fin du questionnaire de santé est synonyme d'accès au crédit pour les profils les plus vulnérables.
Depuis le 1er janvier 2022, pour souscrire un crédit votre taux d'endettement ne doit pas dépasser 35% de vos revenus nets avant impôt (sauf exception).
Comme ce plafond comprend le coût de l'assurance emprunteur, mécaniquement, s'il y a moins de surprimes, plus de personnes vont pouvoir emprunter (en voyant leur taux d'endettement tomber sous la barre des 35%).
La loi Lemoine va donc dans le sens de l'emprunt pour tous mais des effets pervers sont à redouter.
La fin du questionnaire de santé : quelles répercussions sur l'assurance emprunteur ?
Risque de hausse des prix des assurances emprunteur ?
La disparition du questionnaire de santé est évidemment une grande nouvelle pour les profils à risque. Et davantage encore pour les personnes qui ne pouvaient pas accéder au crédit en raison de leur situation médicale.
En revanche, pour tous les autres, soit plus de 90% des assurés qui ont un tarif normal, sans surprime, ni exclusion, c'est moins sûr.
OK, si vous n'avez pas à remplir de questionnaire de santé, vous gagnez du temps. C'est toujours ça de pris. Et ça rend le changement d'assurance emprunteur encore plus simple.
CTA Faire ma simulation
Mais comment vont faire les assureurs pour évaluer le risque ?
Ce n'est pas parce que les surprimes vont disparaître pour une partie des emprunteurs, que leur profil va changer.
Avec ou sans questionnaire médical, un diabétique par exemple restera un profil risqué et plus susceptible de faire marcher son assurance.
On peut donc craindre une augmentation des prix des assurances de prêt, pour pallier au risque supplémentaire.
Ou qu'apparaissent davantage d'exclusions dans les contrats ?
Ou même que les banques se montrent plus prudentes, en accordant moins de prêts.
S'agissant des banques, même sans questionnaire de santé, elles auront des indices pour évaluer le niveau de risque des emprunteurs (relevés de compte, assurance santé…).
Des craintes à relativiser
Ces craintes sont toutefois à relativiser.
La réglementation actuelle vous permet de faire des crédits sur 25 ans maximum.
Or, on a vu que l'une des conditions pour échapper au questionnaire de santé, c'est d'avoir moins de 60 ans à la fin du remboursement de votre crédit.
Cela veut dire que la disparition du questionnaire de santé concerne essentiellement des jeunes de moins de 35 ans. Autrement dit, une population qui de toute façon présente moins de risques de santé.
Si hausse des prix il y a, elle devrait être indolore. Le texte a été pensé pour.
Voilà ce que nous disait Patricia Lemoine le 3 février :
« Ce bouleversement ne devrait pas créer d'effets de bord pour les assurés. Mon seul objectif lors de nos discussions - celui de M. Daniel Gremillet aussi, je crois - a précisément été de préserver ces derniers de toute hausse tarifaire. Pour nous assurer que tel sera bien le cas, nous avons prévu, dans la nouvelle rédaction de l'article 9, une évaluation du dispositif d'ici deux ans, d'une part par le Comité consultatif du secteur financier (CSCF), d'autre part par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Nous disposerons ainsi d'avis éclairés et objectifs ».
Et pour les malades qui paient déjà leur assurance emprunteur au prix fort ?
La loi Lemoine facilite l'accès à la propriété aux malades. Mais certains ont déjà pu emprunter malgré leurs lourdes surprimes.
C'est peut-être votre cas ?
Que vous ayez ou pas à répondre au questionnaire de santé pour changer d'assurance emprunteur, vous avez tout intérêt à faire votre simulation maintenant.
Mais si en plus vous entrez dans le périmètre de la mesure qui met fin au questionnaire de santé (capital inférieur à 200 000 euros et terme du crédit avant vos 60 ans), alors là, vous êtes assuré(e) de toucher le jackpot en changeant d'assurance emprunteur.
En effet, vous n'aurez pas à remplir de questionnaire médical. Et donc, vous paierez un tarif normal.
Et quelle que soit la date de votre prêt, dès septembre 2022, vous pourrez changer d'assurance emprunteur à tout moment grâce à la loi Lemoine (voir point 1).
Enfin, pour les personnes ayant été touchées par la maladie et ne réunissant pas les conditions pour sauter la « case questionnaire médical », là aussi la loi Lemoine va leur simplifier la vie.